Avec ces petites histoires que je vais, comme l’été dernier, vous raconter, j’espère vous détendre, mais aussi, vous faire réfléchir et peut être vous encourager à considérer la vie autrement…

Le prince et la princesse.

Il était une fois un petit royaume où régnait un vieux roi respecté de ses sujets. Il n’avait pas de prince héritier et voulait chercher un fiancé pour sa fille de dix ans.
Il fit sélectionner un certain nombre d’adolescents, plus doués les uns que les autres, les réunit dans son palais et remit à chacun d’eux un sachet de graines.
Au jour fixé, tous les garçons apportèrent au palais les fleurs qu’ils avaient consciencieusement cultivées.

Dans la grande salle du trône parfumée de verdure, les plantes étaient magnifiques et les fleurs superbes.
Le roi et la reine passèrent lentement en revue les rangées de pots, la mine grave et soucieuse.

Soudain ils s’arrêtèrent devant un adolescent triste et timoré, qui avait les larmes aux yeux :
— « Vos Majestés », dit-il, « je ne comprends pas ce qui est arrivé. J’ai demandé autour de moi de la meilleure terre et des meilleurs engrais, j’ai suivi tous les bons conseils, j’ai pris le plus grand soin de vos graines, hélas rien n’a poussé. Je suis honteux d’avoir échoué. »
Le roi lui annonça gentiment :
— « Ce sera toi le fiancé de la princesse. »
Des murmures de surprise, de déception voire même de désapprobation, parcoururent la foule, mais personne n’osa contester la sentence royale.
Le roi continua :
— « Avant de mettre les graines en sachets, je les avais cuites à la vapeur. Pour réussir les autres garçons ont réparé ce qu’ils croyaient être un coup du sort ou une erreur humaine. Ils sont certainement malins et débrouillards, ils ont même le sens de l’initiative, ou on su se faire aider. Mais ils n’ont pas deviné le problème…
Par cette épreuve, je voulais trouver un fils honnête, en qui je pourrai mettre toute ma confiance, ni plus ni moins. Maintenant, j’aurai tout le loisir de te former, pour faire de toi, un prince puis un roi. »

De tout temps, il existe sûrement une prime aux vertus fondamentales : la vérité et la sincérité.

En général, nous sommes avides de louanges parce qu’elles flattent notre ego*, et redoutons les critiques qui le menacent. Or l’avidité et le sentiment exacerbé de l’importance de soi sont tous deux sources de tourments.

Les louanges et les critiques ne modifient en rien ce que nous sommes : elles n’affectent que notre « image », laquelle n’est que la vitrine de notre ego et le miroir des opinions d’autrui. Leur seul pouvoir de nous troubler est celui que nous leur accordons.

Si nous ne nous préoccupons pas de polir notre image, nous ne craindrons pas qu’elle soit ternie :
– Lorsqu’on nous adresse des louanges, pensons que l’on ne fait pas l’éloge de « nous » en tant qu’individu, mais bien plutôt des qualités humaines et des actions constructives que nous avons eu la possibilité de manifester et d’accomplir. Ce n’est pas l’individu qui mérite d’être loué, mais la vertu qu’il exprime.
– De même, lorsque nous faisons l’objet de critiques, si elles sont fondées, elles sont bienvenues et salutaires, car elles nous permettent de prendre conscience de défauts ou d’erreurs que nous devons corriger ou réparer. Si elles ne sont pas justifiées, à quoi bon s’en inquiéter ?

Ce qui importe avant tout c’est de vérifier à chaque instant « la justesse de nos motivations », afin de les rendre les plus altruistes possible, c’est-à-dire d’être sincèrement concerné par le sort des autres tout en œuvrant par là-même à notre propre épanouissement.
Il faut pour cela cultiver les vertus fondamentales que sont l’amour altruiste, la compassion, la force d’âme, la liberté intérieure et la sagesse. Si on y parvient, à quoi bon s’inquiéter du « qu’en-dira-t-on » ? Lorsque l’ego s’est éteint, les parleurs ne font que jaser sur un mort.
La paix intérieure naît d’une conscience sereine, et non de ce que disent les uns et les autres.
Il est préférable d’avoir l’esprit en paix, alors même qu’on nous impute à tort des fautes, plutôt que d’être couverts de louanges alors que nous savons fort bien avoir mal agi.

*Qu’est-ce que l’ego et comment reconnaît-on un ego trop fort ?
– L’ego, c’est le « moi », la valeur que l’on s’accorde.
– Comment s’apercevoir que l’on possède un fort ego ? C’est simple :
« Si une situation menaçant notre image nous est insupportable, alors que vécue par quelqu’un d’autre elle ne nous affecte pas, il y a de fortes chances pour que nous accordions trop d’importance à notre ego ! »

Matthieu Ricard